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Affichage des articles du 2021

Correction de copie. Texte présidentiel de la "Commémoration du 17 octobre 1961"

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  Il y aurait tellement à dire sur le très court texte, publié sur le site de l’Élysée durant la visite du président de la République au pont de Bezons le 16 octobre, que je me contenterais des deux seules premières phrases, que je peux donc copier-coller in extenso : « Le 17 octobre 1961, une manifestation était organisée à Paris par la Fédération de France du FLN pour protester contre le décret du 5 octobre, interdisant aux seuls Algériens de sortir de chez eux après 20h30. Dans la soirée, malgré l’interdiction de la manifestation, plus de 25.000 hommes, femmes et enfants, se dirigèrent vers différents points de regroupement. »  [ 1 ] Remarquons d’abord que le, la ou les auteurs de ce texte travaillent au service de communication de l’Élysée, palais que l’on imagine peuplé d’énarques dont la langue maternelle est administrative. Mais, en fait, pas exactement : nous avons deux normaliens (Sophie Walon et Jonathan Guemas, ce dernier titulaire d’un master en hist

Le kapo n’aime pas les dominos - Zemmour, les Juifs et la colonisation

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  Eric Zemmour est un falsificateur de l’histoire, dont l’objectif central est de rassembler deux droites historiquement ennemies, gaulliste et pétainiste. Cette falsification se fait à travers l’occultation de l’antisémitisme du régime de Vichy. Néanmoins, la trajectoire personnelle du pamphlétaire s’inscrit dans une autre histoire : celle du colonialisme français en Algérie, qui a œuvré à la séparation des juifs et des musulmans afin d’asseoir sa domination. C’est en tant que produit de cette histoire que nous nous intéressons à ce falsificateur. Dans une série uchronique, The plot against America , adaptée du roman éponyme de Phillip Roth, John Turturro joue le rôle du rabbin Lionel Bengelsdorf. Juif conservateur, il fait le choix délibéré de soutenir Charles Lindbergh, célèbre aviateur des années 20 et 30, membre du comité America First qui militait activement pour un rapprochement des États-Unis avec l’Allemagne nazie. Dans la fiction, il devient l

La poésie et les tonnes de lard

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La polémique autours d’un « hymne des Bleues » est l’occasion de rappeler que la poésie n’a pas toujours été un concours pour chanter la nation mais bien une rupture contestataire. Ainsi des surréalistes qui, un siècle plus tôt, en soutenant la révolte menée par Abdelkrim el-Khattabi au Maroc avaient fixé quelques unes des lignes de fracture encore utiles aujourd’hui.   Il y a quelques semaines s’est déroulée une polémique comme aime les orchestrer les médias dominants, chaine d’info-en-continu en tête, autours de l’hymne devant accompagner l’équipe de France de football. Pour qui est assez étranger au foot, l’affaire s’est résumée à une attaque contre le chanteur de l’hymne, Youssoupha qui se serait, plusieurs années auparavant, montré critique envers la police et/ou l’extrême-droite. Dès lors, il ne serait pas digne de représenter la France, et son hymne aux Bleues serait entaché d’un intolérable soupçon d’antipatriotisme. En effet, ne pas adorer la police et ne pas

La prison, lieu d’un savoir enfoui

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  S’il est un domaine où les prisonniers sont experts c’est bien l’enfermement. Or, pour faire face aux confinements d’une très grande partie de l’humanité, personne n’a songé à les appeler pour mobiliser leur expertise. Ce gâchis d’un savoir pratique est révélateur de l’invisibilité de la population carcérale, fruit de politiques sécuritaires, machine à marginaliser toujours plus de monde sans résoudre les problèmes auxquels elles prétendent s’attaquer. La Justice laxiste. Le thème est revenu en force, d’abord dans les bagages des manifestations policières anti-Justice, puis repris en boucle par les chaine d’info-en-continu. Par trop inepte, il importe peu de contester ce diagnostic du “boucher-charcutier de Tourcoing” (l’expert de Monsieur Darmanin, dont l’appréciation serait exactement inverse à une approche statistique évaluant la politique carcérale d’un pays). En revanche, il nous faut casser la fausse équation qui veut que plus de sécurité = plus de prison. Cr

Et Orwell peut aller se rhabiller

  Les crimes et délits policiers n’existent pas, ailleurs que dans la tête de ceux qui les voient, en dehors des corps qui les subissent. Les policiers sont par essence des victimes de la vindicte de médias islamo-gauchistes. Vive al-Sahhaf ! L’invasion de l’Irak n’a jamais eu lieu, les fiers soldats de Saddam ont repoussé les flasques yankees qui périrent dans leur vaine tentative de s’emparer de Bagdad la magnifique. Mohamed Saïd al-Sahhaf a gagné une renommée mondiale lors de l’invasion de l’Irak par les troupes étatsuniennes en 2003. Et, rétrospectivement, on peut dire qu’il n’a pas volé sa notoriété avec ses discours enflammés assurant que l’armée irakienne tenait bon face à l’envahisseur alors que les GI’s défonçaient la porte du studio télé où il se trouvait. Il a été le prophète de notre temps : il annonçait que la politique serait un discours gouvernemental, non plus seulement trompeur comme il était d’usage, mais totalement invraisemblable, absolument déconn

Des militaires à la conquête des cœurs et des esprits

  Les interventions militaires de ces dernières semaines dans l’espace public ont été lues, à raison, en clefs politiques. Mais ce faisant, on a un peu oublié qu’il s’agit précisément de militaires, dont le langage suit surtout une logique contre-insurrectionnelle (qui diffère de la politique des partis). Or, sous ce prisme, le message est assez différent : ils n’annoncent pas un danger de guerre, ils sont en guerre, bien que leur objectif soit politique, et même électoral. Une offensive à l’arme psychologique Les différentes tribunes de militaires publiées ces dernières semaines par l’hebdo Valeurs Actuelles occupent une grande place de l’espace médiatique. Du côté des partis politiques, chacun a pris position. Sans surprise, à l’extrême-droite (qui inclut une bonne part de la droite) on loue le “courage” des interventions militaires et on adhère aux contenus des textes. Côté gouvernement, après avoir tâché d’en minimiser l’impact, on s’emploie à attaquer la form

McKinsey, l’art coûteux de l’embrouille

Il y a quelques mois, nous étions nombreux à écouter pour la première fois le nom de McKinsey, en apprenant que le “cabinet de conseil en stratégie” étatsunien était chargé de diriger (ou “conseiller”) la campagne de vaccination. Plusieurs journaux français se sont étonnés qu’avec le nombre de polytechniciens, énarques et autres brillants élèves de hautes-écoles en gestion des vies et des marchandises (souvent confondues), il faille avoir recours à une boîte extérieure. Ils étaient moins nombreux à remarquer que ce McKinsey venait de reconnaître sa responsabilité dans le scandale des opioïdes aux États-Unis, encore moins à souligner son rôle dans la crise financière de 2008 et à peu près personne pour rappeler que les faillites magistrales d’Enron et de Swissair en 2001 doivent beaucoup aux fameux “conseils en stratégie” de ce même cabinet. Non, il y était toujours question du “prestigieux cabinet de conseil” dont gouvernements et multinationales se battraient les précieuses compétence

Une attaque contre-insurrectionnelle en règle

  Ici, je vais analyser trois documents récents, deux textes publiés sur des sites liées à des militaires, l’un signé par des généraux –“lettre des généraux” désormais- et republié par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles le 21 avril, l’autre par des colonels –“réponse des colonels”- et signalé par la revue Regards , et une intervention télévisée de M me  Maréchal Le Pen le 29 avril. Les contenus de ces trois documents dialoguent entre eux et se comprennent sous le prisme d’une idéologie particulière, celle de la contre-insurrection (que nous évoquerons à travers certains de ses auteurs de référence, les colonels Charles Lacheroy et David Galula). Maréchal Le Pen, dont nous avions déjà remarqué la propension à faire passer du Lacheroy  [ 1 ] pour du Gramsci  [ 2 ] , confirme son inscription dans cette tradition militaire française. Elle ne se contente pas de justifier et soutenir l’appel, elle juge plus généralement que les militaires, grâce à leurs « expéri

Bolloré et le parti des porcs

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  Tout d’abord, une précision sur le vocabulaire : l’expression “Parti des Porcs” n’est pas revendiquée par les principaux intéressés, il s’agit d’une appellation forgée (ou du moins popularisée) par le groupe NTM durant les années 1990. Elle nous semble très pertinente pour offrir une compréhension immédiate de qui elle désigne, sans quoi l’entité reste légèrement brouillée par des changements de noms et de discours (“Front National” puis “Rassemblement National”, noms qui ne semblent pas faire consensus parmi ses militants, si bien qu’il nous apparaît plus judicieux de les mettre d’accord sur l’appellation offerte par un tiers, NTM en l’occurrence). Autre avertissement. Lundimatin n’a pas trop l’habitude de publier des articles sur les jeux politiciens et préfère des textes qui apportent des compréhensions de fond, aussi je m’excuse d’emblée d’amener le lectorat dans la bauge des petits calculs d’apothicaire qui saturent déjà la plupart des autres médias.