Des jets privés qui cachent la forêt (qui brûle)
On s’indigne, à raison, des frasques des milliardaires, leurs yachts et leurs jets privés qui polluent en toute impunité. Mais le pire c’est que leur forme de consommer reste une aspiration pour bien du monde. Détruire leurs joujoux certes, mais surtout se détourner totalement de leur forme méprisable d’entreprendre le monde. Voilà un programme.
Tout le monde déteste les jets privés. On se sera tous agacé des quelques milliardaires qui regardent la planète brûler depuis leur hublot, entre deux cuillerées de caviar. Et ce n’est pas ici qu’on se privera d’en rajouter une couche sur ce Macron qui annonce « la fin de l’abondance » (si vous l’avez vu passé, faites signe, j’aimerais bien savoir à quoi ça ressemble) tout en considérant la moindre exigence de la part des plus riches comme de la « démagogie ».
Avec le degré actuel de détestation des super-riches, la démagogie consisterait à appeler à les guillotiner, non pas à taxer leur luxe ostentatoire et déprédateur. Ça, ça relève de la simple évidence, d’un minimum lorsqu’on en est à demander au reste de la population de limiter sa consommation de wifi. Que le kérosène – le combustible des avions- soit moins taxé que l’essence, voilà le genre d’incohérence inégalitaire qui n’est plus acceptable – que l’on pense depuis l’inégalité sociale ou la dévastation du monde.
Le transport en commun malmené depuis des décennies
Mais cette affaire des jets privés n’est que la caricature, la pointe de l’iceberg, d’une réalité bien plus catastrophique encore. Avant de parler de voitures électriques (au lithium), de remplacer les voitures par des vélos au lithium ou de n’importe quelle « solution » technologique censée sauver le monde, il faut bien remarquer que le moins polluant reste le transport en commun. Or, c’est lui qui a été systématiquement détruit depuis des années.
Les conditions de travail dans ce domaine se sont tellement dégradées que tous les transports en commun manquent de chauffeurs. Bien sûr, s’il y a pénurie de chauffeurs dans les principales entreprises de transports en commun, ce n’est pas du tout à cause de rémunérations basses, de conditions de travail pénibles et de la fin du statut de cheminot (qui, justement, prenait en compte la pénibilité de ce travail). Non, il y a trop de fainéants dans ce pays. Voilà tout.
C’est tout comme la difficulté à recruter des saisonniers dans la restauration : ça n’a, bien sûr, rien à voir avec la « réforme » du chômage qui exclut les contrats courts des bénéficiaires des indemnités. Les serveurs devraient travailler dur pour payer le chômage de ce ceux qu’ils servent. Voilà la fameuse réforme. Et, après, ils crient à la fainéantise des jeunes… Détruire les rares attractivités du métier pour ensuite se plaindre de la pénurie de main d’œuvre, il faut être macroniste pour arriver à un tel degré d’inconséquence. La Macronie se fixe le plein-emploi comme objectif, elle ne précise jamais qu’il s’agit d’un plein-emploi à peine rémunéré (et pourquoi pas gratuit?).
La folie furieuse du concept de voiture individuelle
La catastrophe en cours est le résultat de choix industriels bien antérieurs. Quand Macron, alors ministre de l’Économie, eut la brillante idée de palier à la pénurie -organisée par des sous-investissements et la privatisation du rail- de trains par ses fameux « bus Macron », il n’a fait qu’accentuer le choix catastrophique du tout-combustible. On appréciera la vision à long terme de ce « Mozart de la finance« , à l’aune de l’envolée des prix des combustibles.
Cette catastrophe a été voulue par des industriels (pétroliers et constructeurs de voiture) et a séduit des millions de personnes: c’est le choix de la voiture individuelle qui a longtemps été synonyme de liberté. Sortir de ce transport individuel destructeur est l’une des exigences des défis actuels.
Un milliardaire détruit trois fois la planète: par ce qu’il produit, par ce qu’il consomme et par les désirs qu’il suscite
On peut certes continuer à cracher sur les avions privés de quelques milliardaires (qui, eux, ne se privent pas de nous pisser dessus allégrement). Mais c’est passer à côté du problème que pose les milliardaires. Après tout, qu’ils crèvent noyés dans leurs vomissures dans leurs yachts privés (salut Sans Filtre de Ruben Östlund), ne changera pas la face du monde. En revanche, qu’ils vendent des succédanés de leur mode de vie dégoûtant à des millions d’autres personnes, voilà le drame.
Leurs yachts sont abjects. Mais ce n’est rien comparé avec des millions de personnes rêvant de croisière dans des des gratte-ciel flottants. Ces millions de touristes, dont les déjections détruisent nos mers, sont sans remède. Un milliardaire c’est une crasse. Des millions de petits bourgeois qui veulent jouer au milliardaire, c’est une poubelle industrielle à ciel ouvert.
Abattre le désir d’être riche
La théorie du ruissellement, qui voudrait que l’enrichissement des plus riches bénéficie aux moins riches, n’a bien sûr jamais fonctionné. C’est un mythe du néolibéralisme. En s’enrichissant, un riche devient plus riche. C’est tout.
Il existe pourtant bien un « ruissellement » : celui de l’imaginaire sociale. Le mode de consommation dévastateur des plus riches ruisselle sur les moins riches. Ainsi, celui qui ne peut s’acheter un yacht, s’offrira une croisière avec 6000 autres passagers. Et détruira, collectivement, encore plus sûrement la planète.
Ne jamais vouloir ne serait-ce que ressembler, de quelque façon que ce soit, à un milliardaire, voilà un but. Chercher toujours l’imperméabilité la plus totale à leurs goûts aussi coûteux que tapageurs, aussi clinquants que dégoûtants. Chercher ailleurs les richesses de la beauté du monde, dans la poésie, le vivant, le ciel, la mer, tout ce qu’ils souhaitent détruire pour s’acheter des fusées et aller coloniser d’autres planètes. Les détester c’est, avant tout, ne jamais accepter leur vision du monde. Et, donc, se défaire de l’imaginaire de ces porcs.
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