En Argentine, Trump règne déjà

Le président argentin, Mauricio Macri, ne défraie pas la chronique par des défécations verbales à la manière de Trump ; il se caractérise même par une certaine discrétion langagière qui laisse supposer un dégoût pour la parole en soi, assez paradoxal pour un politicien. Pourtant, au-delà des liens en affaires réunissant à plusieurs reprises par le passé ces deux multimillionnaires adeptes de l’évasion fiscale, on retrouve bien des points communs entre les deux personnages.

Ainsi du machisme, pornographique dans la version Trump, se retrouve aussi central chez son devancier argentin qui estime que "toutes les femmes aiment recevoir des compliments, même si on leur dit 'quel beau cul tu as'" » [A todas las mujeres les gustan los piropos, aunque les digan ‘que lindo culo tenes’].

Ainsi du parfait mépris pour la Justice, du moins telle qu’elle est comprise par les systèmes démocratiques issus de Montesquieu. Ici, là où Trump affirmait qu’il enverrait Madame Clinton dans les geôles, sans s’embarrasser des procédures du système judiciaire de son pays, Macri justifie l’emprisonnement d’une de ses opposantes en affirmant que "Il nous semble, à la majorité des Argentins, que Milagro Sala a commis une grande quantité de délits importants". La phrase répond aux injonctions de l’ONU et de l’OEA à l’Argentine pour la libération de Madame Sala.

Pour Macri comme pour Trump, la question n’est pas de savoir si un tribunal est en mesure de prouver la commission d’un délit mais si une majorité (celle estimée par Macri ou celle qui élirait Trump) considère juste de châtier une personne (des femmes dans les deux cas). Cette “justice de la majorité”, quand bien même elle se référerait lointainement à un jury populaire, est un retour au pur et simple fait du prince –la lettre de cachet-, et pas seulement un viol du principe de la séparation des pouvoirs. 
D’ailleurs, disons le, ce fameux principe a toujours été une vaste fumisterie, dans la mesure où aucune application un tant soit peu crédible n’a jamais été trouvé (à mon connaissance et à mon sens), puisque dans un système de type français, presque tous les acteurs du tribunal (procureur et juge) sont liés à l’Etat et dans une forme étatsunienne il y a surreprésentation du “peuple” (le jury populaire et, dans bien des Etats, le juge élu par les électeurs). Néanmoins, un semblant de fiction subsistait jusqu’alors, il est vrai  régulièrement mise à mal par les Valls, Sarkozy et cie, suite à chaque fait divers pouvant rapporter quelques suffrages.

Le mépris affiché de Macri pour les procédures judiciaires peut être lu comme une déclaration de guerre civile, puisque le tribunal n’est plus l’endroit où se résoudrait les conflits. Il nous annonce qu’il ne reste qu’à constituer une “majorité” pour le mettre lui-même en prison, et il n’a pas tort puisque de toute évidence ce n’est pas un tribunal qui le fera malgré son implication avérée dans de multiples affaires d’évasion fiscale révélées, entre autre, par les “Panama Papers”.


En définitive, Trump et Macri participent d’une nouvelle conception de la “justice” parfaitement mise en application par le président philippin, Rodrigo Duterte, qui appelle régulièrement à tuer les consommateurs de drogue.

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