Anarcho-Capitalisme ou Narco-Capitalisme ?
Promu comme le premier "anarcho-capitaliste", le gouvernement de Milei pourrait s'avérer surtout proche du narco-capitalisme
L’anarcho-capitalisme, un oxymore vendeur
Javier Milei s’est fait connaître, en Argentine puis dans le reste du monde, comme adepte de l’« anarcho-capitalisme ». Par cet oxymore, il faudrait comprendre une théorie ou une secte particulièrement radicalisée du capitalisme (qui ne peut donc en aucun cas être anarchiste) dont le gourou était un certain Murray Rothbard (1926-1995).
Économiste étatsunien assez marginal, ce dernier avait été brièvement ébloui dans les années 1960 par le gauchisme des campus universitaires de la Côte Ouest, avant de virer sa cuti vers un conservatisme social et sociétal à tout crin attelé à un ultra-libéralisme économique. Bref, l’anarchisme, on le cherche encore dans ces élucubrations. (Et, une fois pour toutes, le principe de l’anarchisme est de lutter contre toutes les hiérarchies, il ne peut donc y avoir aucune accointance avec un régime qui repose tout entier sur la hiérarchie de l’argent).
Rothbard oui, mais surtout Cristina
Quoiqu’il en soit, Javier Milei se revendiquait de cet oxymore d’anarcho-capitalisme, dont on voit bien l’intérêt marketing. Il est probable que, hormis cette passion affichée pour Murray Rothbard, qu’avec cette expression Milei se soit surtout positionné par rapport à Cristina Kirchner.
En effet, en 2011, alors présidente et participant aux multiples rencontres internationales supposées donner des réponses à la crise économique mondiale déclenchée par la crise financière de 2008, Mme Kirchner avait fait de son cheval de bataille de lutter contre ce qu’elle appelait « l’anarcho-capitalisme financier ». La présidente argentine préconisait alors de « revenir à un capitalisme sérieux car ce que nous vivons, messieurs, ce n’est pas du capitalisme. C’est de l’anarcho-capitalisme financier total, où personne ne contrôle rien. » (Sommet du G-20 à Cannes, 3 novembre 2011).
Dans sa tradition péroniste et capitaliste (deux notions qui, pour le coup, combinent très bien ensemble), la présidente comprenait l’anarchisme comme un chaos, dénigrement habituel de la propagande anti-anarchiste depuis un siècle et demi.
Mais, pour Javier Milei, alors un parfait inconnu employé d’une grande entreprise (le groupe Eurnekian qui fut notamment propriétaire d’un empire médiatique local, ce qui explique par la suite la facilité de Milei à être invité dans les talk-shows -où il déploie certes toutes les « qualités » requises pour le succès-), cette appellation d’anarcho-capitalisme résonne avec ses lectures du gourou étatsunien auquel il s’est entiché.
Voilà donc l’étiquette que la presse, locale et internationale, a complaisamment associée à Milei, participant de sa propagande.
De l’Anarcho au Narco d’extrême-droite
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, il faudrait enlever un A à son étiquette pour obtenir un « narco-capitalisme ». En effet, parmi la cascade de scandales qui entoure le président argentin, il en est désormais un qui fleure bon la poudre (non, définitivement pas de perlimpinpin). Sa tête de liste pour les élections de mi-mandat (prévues le 26 octobre) aurait reçu des centaines de milliers de dollars de la part d’un narcotrafiquant, dont l’extradition est réclamée par la justice étatsunienne.
D’après le journal actuellement le plus fiable du pays, DiarioAr, José-Luis Espert aurait reçu 200 000 dollars de Federico Machado, un supposé narco détenu en Argentine depuis 2021 dans l’attente d’une extradition aux États-Unis. Les liens entre Espert et Machado étaient déjà connus. Régulièrement, le candidat d’extrême-droite était questionné sur l’avion que l’entrepreneur, avec lequel il s’est souvent pris en photographie, lui avait prêté pour sa campagne de 2019 (Espert était alors candidat aux présidentielles).
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Au lieu de répondre sur la nature de ce lien, Espert a toujours contre-attaqué en parlant d’une « opération politique » visant à le déstabiliser. A moins d’un mois des élections, il garde cette même ligne, soutenue par Javier Milei. Pourtant, il ne s’agit plus seulement d’un avion privé que le staff de campagne aurait accepté sans trop vérifier le CV du généreux propriétaire. Maintenant, il est question d’un virement de 200 000 dollars, d’après un procureur du Texas qui a épluché la comptabilité du supposé narco, comme le révèle Sebastián Lacunza (DiarioAr).
Pour qui ne connaîtrait pas José-Luis Espert (dont je dressais un premier bref portrait ici ), il s’agit du politicien argentin le plus identifié à la répression. Un croisement de Ciotti et de Maréchal-LePen sous stéroïdes, Espert réclame à cor et à cri de la prison pour les délinquants et des balles pour les gauchistes. Une caricature d’extrême-droite dans un monde devenu plus caricatural que les caricatures.
…
Avec un tel CV politique, et en spéculant un peu sur l’avenir, on se demande quel accueil José-Luis Espert recevra dans la prison où, peut-être, ses accointances avec le narcotrafic le mèneront. D’ailleurs, vu la quantité d’affaires qui s’accumule sur elle, on pourrait se poser la même question sur la fratrie Milei (Javier et sa sœur Karina). Ce serait tout de même triste si Louis Sarkozy, après le destin de son père, avait à subir ce nouveau coup du sort.
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