Argentine S.A., une entreprise enregistrée au Panama
L’affirmation de Noam Chomsky selon laquelle les entreprises sont dans notre monde ce qu’il y a de plus proche des institutions totalitaires trouve une spectaculaire confirmation avec le nouveau gouvernement argentin, dont les membres sont presque tous issus de directions d’entreprise. Depuis décembre, l’Etat argentin est gouverné comme une entreprise, c’est-à-dire comme une institution autoritaire. Le “gouvernement des PGG” a, en l’espace de quelques mois, profondément changé l’atmosphère du pays, le rendant presque irrespirable, fidèle en cela à la promesse de campagne électorale menée sous la bannière du “changement”.
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Bajo Flores, Manifestation contre les répressions policières. Buenos Aires. 5/02/2016. Photo de Jean Segura |
Etat d’urgence (pour cause d’une réédition pour le moins à contre-courant de la “guerre à la drogue” dont l’ONU dressait cette semaine le bilan catastrophique au niveau mondial), licenciements massifs, arrestations arbitraires, répression des mouvements sociaux, réduction drastique des budgets alloués à l’éducation et à la culture, abandon des projets de développement technologique, attaques en règle de la pluralité des médias, désactivation des enquêtes gouvernementales sensibles, gouvernement par décrets, ré-endettement massif du pays, inflation débridée… que ce soit dans la forme ou le fond, il est pratiquement impossible de trouver une mesure positive prise par le gouvernement de Mauricio Macri qui, aux tares de son prédécesseur –par exemples le népotisme et la corruption-, ne fait qu’en ajouter un nombre vertigineux de nouvelles.
Ainsi d’arrestations, à leurs domiciles et en pleine nuit de syndicalistes (Ushuaia, province de Terre de Feu) ; ainsi de tirs de flash-ball sur des enfants qui avaient le tort de préparer un défilé de carnaval sur le passage de gendarmes (qui ont été par la suite félicités par la ministre de l’Intérieur) ; ainsi de milliers de licenciement dans le secteur public, non pas avec des lettres de préavis mais au petit matin directement à la porte de leurs lieux de travail, porte gardée par des policiers ; ainsi du programme spatial, qui avait développé une série de satellites de conception locale, désactivé du jour au lendemain ; ainsi d’une dirigeante politique mise au fer sans autre forme de procès (Milagro Sala, dans la province de Jujuy) ; ainsi de la hausse vertigineuse des prix de tous les services de base (gaz, électricité, transport, souvent augmenté au delà de 100% d’une semaine sur l’autre) ; ainsi d’une actrice de Playboy TV –et petite copine d’un haut fonctionnaire du gouvernement- nommée cadre dans la compagnie aérienne nationale, à l’instar de nombre d’épouses de ministre bombardées dans toutes les entreprises publiques ; ainsi, on pourrait continuer longtemps.
Il faut cependant ajouter encore une mise au pas des médias à faire rougir n’importe quel dictateur d’une petite république populaire de l’ex-bloc soviétique. Mais nous ne sommes pas dans une république “populaire”, alors les méthodes sont un peu différentes. D’une part, les principaux journaux –qui sont aussi propriétaires des principaux médias- étaient déjà acquis à Macri et menaient de véritables campagnes de désinformation, mentant effrontément, contre l’ancien gouvernement. Si bien qu’ils poursuivent la même désinformation, mais cette fois à la solde du gouvernement. Voilà pour au moins 70% des médias argentins. D’autre part, Macri a éliminé par décret la loi sur les médias qui cherchait à la fois à lutter contre les monopoles médiatiques et à promouvoir des médias associatifs. A cela vous ajoutez le licenciement sec de toutes les stars du journalisme associés à l’ancien gouvernement, et vous aurez une image à peu près fidèle du paysage médiatique, bien dans "l'esprit d'entreprise" qui préfère la communication à l'information.
Ce contrôle sur les médias explique qu’à chaque nouveau scandale qui touche directement le nouveau gouvernement –et il est difficile de suivre vu la vitesse à laquelle ils se succèdent-, les principaux médias titrent sur de supposés révélations sur la corruption de l’ancien gouvernement. Le meilleur exemple reste le jour où le nom de Mauricio Macri apparaissait dans les Panama Paper, comme titulaire d’au moins quatre entreprises off shore, durant lequel toutes les télés s’intéressaient presqu’exclusivement à Lázaro Báez, un homme d’affaires tordues associé à l’ancienne présidente Cristina Kirchner.
Il ne reste plus qu’au PDG de l’Argentine, Mauricio Macri, d’enregistrer sa nouvelle entreprise chez Mossack Fonseca.
Il ne reste plus qu’au PDG de l’Argentine, Mauricio Macri, d’enregistrer sa nouvelle entreprise chez Mossack Fonseca.
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